jeudi 23 janvier 2014

Requiem for Lonard


En 2008, le journal typex, adressé aux amateurs d’élevage, titrait : « Lonard, le fruit du hasard est mort ». En décembre 2007 exactement mourrait l’un des plus grands taureaux français ayant jamais vécu.




Le taureau Lonard, né en 1995.


Pourquoi le fruit du hasard ?


Lonard est un fils de Dombinator né en 1995. Sa mère Cambrette avait été acquise par le GAEC Curtat quelques années auparavant. Cette vache pointée TB-89, fille du taureau Steady, issue d’une famille américaine a été achetée en tant que donneuse d’embryons. La transplantation avec Dombinator a notamment donné Lonard. Pourtant, à sa naissance, le jeune mâle n’attirait pas vraiment une grande attention de la part des Centres d’Insémination Artificielle. Par un concours de circonstances, l’entreprise UNECO avait besoin de compléter sa taurellerie et c’est ainsi que la grande aventure de Lonard pu commencer.


Un spécialiste du type


En 2001, Lonard recevait ses premiers index et se voyait propulsé au sommet français pour la conformation, affichant des index exceptionnels particulièrement pour la mamelle et les pieds et membres ainsi que les taux, dans le domaine de la production. Sa popularité fut immédiate et ce, malgré la légère tare génétique, appelée CVM, qu’il portait.

Lorsque ses filles de service ont commencé à vêler, elles ont généré encore plus d’excitation que les filles de testage, projetant l’index morphologique de Lonard à un niveau avoisinant les +4.0 pour l’index conformation (pour vous donner une idée, il n’était pas courant à l’époque qu’un taureau dépasse les +2.0 pour cet index). Ses héritières ont immédiatement commencé à se démarquer lors des concours, remportant nombre de championnats et de prix sur les expositions.

Lonard a continué d’être un taureau populaire pour son propriétaire Gènes Diffusion (qui avait entre temps absorbé l’entreprise UNECO), notre partenaire depuis la création de l’association Vach’Expo. Plus de 300 000 doses se sont vendues en France et à l’international, débouchant sur des dizaines de milliers de filles qui ont apporté satisfaction à des milliers d’éleveurs à travers le monde.



Lactation TB-86, fille typique de Lonard présentant une superbe mamelle et d’excellentes pattes.

 

Qu’en est-il aujourd’hui ?


Malheureusement, et malgré ses qualités évidentes, Lonard n’a pas eu d’opportunité en tant que père à taureaux, c’est pourquoi aucun fils n’est disponible aujourd’hui. Il continue toutefois à apparaitre régulièrement dans les pedigrees des vaches de concours moderne, en tant que grand-père, arrière-grand-père, voire parfois même en tant que père ! En effet, la satisfaction des éleveurs à l’égard des filles de ce taureau est telle que certains l’utilisent toujours à l’heure actuelle ! Et ses filles vieillissent tellement bien qu’il n’est pas rare de voir une vache adulte lors des concours avoir pour père Lonard.

Le taureau se distingue aussi par la longévité qu’il transmet, ainsi que par son extraordinaire résistance aux mammites. C’est pourquoi ses filles commencent à apparaitre dans le palmarès des vaches ayant produit 100 000 kg de lait ou plus durant leur carrière.

A l’heure actuelle, Lonard affiche toujours des index très élevés en type, mamelle et membres, respectivement +2.9, +2.6 et +2.0. De même, il présente un index de résistance aux mammites exceptionnel : +1.6 ! Son index total s’élève aujourd’hui à 134 points d’ISU.




Braga, symbole de la résistance aux mammites dans son élevage, est elle aussi une fille de Lonard


Revenons un moment à la souche maternelle de Lonard. Le GAEC Curtat a développé une fabuleuse famille de vache à partir de la mère du taureau, Cambrette, et de ses filles, dont la pleine sœur de Lonard, Lydia TB-89. L’actuel taureau français vivant n°1 pour l’index total, Duga Isy (174 points d’ISU), provient de la famille et est un fils par Stol Joc de Benzouka, une fille par Shottle remontant à Lydia via des filles de Nactif, Jesther et Megabuck. Benzouka est désormais partie pour l’Allemagne où elle réalise une formidable carrière de vache de concours. Sa demi-sœur Arizona, restée en France est tout aussi célèbre. Cette fille de Shottle accumule les titres au fur et à mesure des années, elle est même devenue Réserve Grande Championne lors du Salon de l’Agriculture à Paris en 2012. Peut-être aurons-nous la chance de la revoir au Salon cette année défendant les couleurs de ses propriétaires : le GAEC Morel, le GAEC Curtat et Cimbria Club.





Arizona, célèbre fille de Shottle, provient de la même famille que Lonard.

 

Réflexions


En cette période encore un peu nuageuse de l’ère génomique, Lonard est un exemple dont il nous faut nous rappeler. Parfois critiqué pour un index lait (de précocité laitière) et un index total jugés trop faibles, il a néanmoins été populaire et grandement apprécié dans tout l’hexagone et même au-delà. Un exemple donc, en ces temps où l’index total est roi. Un exemple pour montrer que les grands taureaux, ceux qui apportent satisfaction entière aux éleveurs, n’occupent pas toujours la première place du classement.



Pour avoir fait naitre et élevé ce grand taureau, nous ne pouvons que féliciter le GAEC Curtat ; félicitations aussi à Gènes Diffusion, le propriétaire du taureau qui était le plus grand apporteur de type français de ces dernières années.



En exclusivité, témoignage de Patrick Curtat, associé du GAEC Curtat dans la Mayenne et naisseur de Lonard :


« Bonjour à tous ! Quelques mots sur Lonard et sa famille :

Typex titrait « le fruit du hasard est mort ! » Certes, on pouvait donner du crédit à ce titre car LONARD était entré par un pur hasard en taurellerie mais son pedigree était tout sauf le fruit du hasard car issu d’un pedigree très profond.


LONARD est l’exemple même d’un taureau qui ne faisait pas parti des objectifs des schémas de sélection car jugé comme une génétique beaucoup trop vieille ; en effet, sa mère CAMBRETTE était une vache d’un certain âge, et pour fabriquer un super taureau, tout le monde le sait bien, il faut travailler avec le dernier cri en terme de sélection.


Enfin, c’est ce que l’on veut nous faire croire ! CAMBRETTE était dans les bas des classements en index face à l’armada des super vaches à index de l’époque qui trustaient les taurelleries et qui, finalement, n’auront pas réussi à sortir de mâles faisant progresser la race. Ce qui est certain : un pedigree profond donne toujours une garantie sur le travail que nous effectuons, nous éleveurs, en matière de sélection Holstein.


Des repères, il faut en garder à l’esprit par les temps qui courent. Ils ont toujours servi la race dans le passé et nous ont permis de progresser et de sortir de très grands taureaux, dont Lonard.


La famille de Lonard est bien développée dans le troupeau, qui doit compter au bas mot 50 descendantes avec des pères comme Goldship, Mascalese, Lauthority, Topside, Goldwyn, Shottle, artes, Confirm,… et nous donne une entière satisfaction tant sur le plan morphologique que sur celui de la production. Les descendants comme Benzouka, Arizona et Duga ISY en attestent.


C’est une famille qui retransmet très bien car sur le peu de mâles que nous avons envoyés, deux sont devenus de très bons taureaux. La multiplication de la souche reste modérée : un transfert d’embryon par an. Je pense, en toute modestie, que si cette souche était travaillée et multipliée comme certaines, elle serait l’une des plus influentes en France…
».

Merci à Patrick Curtat d’avoir accepté de témoigner sur sa famille de vache.






Nicolas Lancelot









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